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Le  Mag Jeunes Écrivains
6 janvier 2016

Impressions de lecture : "Rose" de Tatiana de Rosnay

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JE-lectures

J'ai toujours beaucoup aimé la plume, l'univers de Tatiana de Rosnay, même si parfois j'ai été déçu par certains de ses dénouements, comme pour Spirales ou Ozalide.

J'aurais pu vous parler de son best-seller Elle s'appelait Sarah, sublime et bouleversant à la fois, adapté de façon désastreuse au cinéma. J'aurais pu évoquer Le voisin, ma première rencontre choc avec l'auteure bilingue. Deux bouquins que j'ai adorés sans réserve.

Pourtant, je vais vous parler d'un roman à part dans sa bibliographie : Rose.

"Pourquoi à part ?" me direz-vous, puisqu'il traite en filigrane d'un thème cher à l'auteure, à savoir les secrets que gardent en eux les murs des maisons ou des appartements.

Eh bien parce que selon Tatiana elle-même, Rose est peut-être son livre le moins grand public :  "Il est écrit dans un style plus recherché, peut-être plus précieux." *

Et c'est vraiment ce qui m'a charmé le plus dans ce récit, la qualité d'écriture, son élégance, son raffinement délicieusement suranné. Un roman qu'elle a écrit à l'ancienne, c'est-à-dire à la main et à la lueur d'une bougie, et de façon épistolaire, dans le but de coller au plus près à l'époque de l'intrigue, empreinte de nostalgie, qu'elle veut nous conter : Le Second Empire.  Et pour la seconde fois après Elle s'appelait Sarah, en anglais s'il vous plaît (mais j'ai lu une édition en VF)!

Mais au juste, de quoi ça parle, ce bouquin ?

Voici ce qu'en dit le quatrième de couverture : "Paris sous le Second Empire. Les ambitieux travaux d'Haussmann détruisent des quartiers entiers, générant des milliers d'expropriations douloureuses. Loin du tumulte, Rose Bazelet mène une vie paisible, au rythme de sa lecture du Petit Journal et de ses promenades au Luxembourg. Jusqu'au jour où elle reçoit la fatidique lettre du préfet : sa maison, située sur le tracé du boulevard Saint-Germain, doit être démolie. Liée par une promesse faite à son mari, elle ne peut se résoudre à partir. Contre le baron, contre l'empereur, Rose va se battre pour sauver la demeure familiale qui renferme un secret jalousement gardé…"

Un résumé prometteur sur le papier, l'époque des percées haussmanniennes m'intéressant au plus au point puisque j'en avais étudié les formes urbanistiques à la fac.

« Il y a quinze ans, déclare Tatiana de Rosnay à la sortie de son livre, j’ai découvert sur des photos anciennes les petites rues qui se trouvaient là où s’étend aujourd’hui le boulevard Saint-Germain, que je ne connais bien puisque c’est le quartier des éditeurs. Ça m’a intriguée. ».*

De fait, j'espérais beaucoup à la lecture de ce roman. Beaucoup trop.

Et au final, mon sentiment de lecteur fut mitigé. Certes, l'écriture et le rendu de l'atmosphère parisienne de la deuxième moitié du 19ème siècle sont remarquables (beaucoup de travail de recherche de la part de l'auteure, notamment la lecture de lettres d'expropriation retrouvées à la BNF), mais le combat de Rose contre le célèbre préfet n'occupe qu'une infime partie du récit. Tout le reste n'est qu'une sorte de journal intime ou de mémoires d'une bourgeoise flirtant avec la soixantaine, voire une correspondance fictive avec l'époux défunt. Cela noie l'essentiel qui aurait pu être infiniment plus captivant. Le dénouement est pourtant inspiré, seulement le récit aurait gagné en pertinence et en intérêt s'il avait davantage été centré sur l'affrontement entre Haussmann et la populace parisienne accrochée à ses vestiges médiévaux.

 Reste que j'ai malgré tout apprécié ce roman, que je relirai probablement sans cette attente démesurée que j'avais à sa sortie, simplement pour le plaisir des mots, de leur musique, de l'ambiance distillée. 

Pour terminer, quelques jolis extraits de Rose :

"Vous êtes convaincu que le foyer d'une famille se résume à une somme d'argent. Pour vous, une maison n'est qu'une maison. Votre nom à lui seul est une ironie. Comment se peut-il que vous vous appeliez Haussmann ? En allemand, cela ne signifie-t-il pas « l'homme de la maison » ?"

"D'ici une centaine d'années, quand les gens vivront dans un monde moderne que nul ne peut imaginer, pas même les plus aventureux des écrivains ou des peintres, pas même vous, mon amour, quand vous vous plaisiez à envisager l'avenir, les petites rues paisibles dessinant comme les allées d'un cloître autour de l'église seraient enfouies et oubliées, pour toujours. Personne ne se souviendra de la rue Childebert, de la rue d'Erfurth, la rue Sainte-Marthe. Personne ne se souviendra du Paris que nous aimions, vous et moi."

"Mon bien-aimé !
Je peux les entendre remonter notre rue. Un grondement étrange, menaçant. Des chocs et des coups. Le sol qui frémit sous mes pieds. Et les cris, aussi. Des voix d'hommes, fortes, excitées. Le hennissement des chevaux, le martèlement des sabots. La rumeur d'une bataille, comme en ce terrible mois de juillet si chaud où notre fille est née, cette heure sanglante où la ville s'est hérissée de barricades. L'odeur d'une bataille. Des nuages de poussière suffocants. Une fumée acre. Terre et gravats.
Je vous écris ces mots assise dans la cuisine vide. Les meubles ont été emballés la semaine dernière et expédiés à Tours chez Violette. Ils ont laissé la table, trop encombrante, ainsi que la lourde cuisinière en émail. Ils étaient pressés, et je n'ai pu souffrir ce spectacle. J'en ai haï chaque minute. La maison dépouillée de tous ses biens en un si court instant. Votre maison, celle dont vous pensiez qu'elle serait épargnée, ô, mon amour, n'ayez crainte, je ne partirai jamais."

"Cette maison est mon corps, ma peau, mon sang, mes os. Elle me porte en elle comme j'ai porté nos enfants."

 

Cela vous convaincra-t-il de l'intérêt de ce roman ?

 

*  : propos recueillis par Adrienne Nizet pour Le Soir.

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