Interview des 2 gagnantes du 52e concours de Nouvelles

 Vous en avez peut-être entendu parler, après une longue pause, le concours de nouvelles a recommencé sur le forum Jeunes Écrivains, avec une nouvelle mouture : 3 thèmes, 2 contraintes (facultatives), 1 vote sur une page internet.
Pour ce 52^e concours, les thèmes étaient : une information infectieuse (de Raven), Légendes (de Pandémonium) et Tout a commencé avec une pièce de 2 euros (Asyne). Les contraintes proposées étaient : Le personnage principal (ou l’un des personnages principaux) est aveugle, et votre nouvelle doit comporter cette scène : 

Les participants ont pu envoyer leur nouvelle entre le 29 octobre et le 11 décembre, puis les votes ont été ouverts du 13 décembre au 8 janvier.

Huit textes ont été proposés à la lecture et il y a eu deux gagnantes ex aequo pour la première place : Quod avec « Le conteur errant » et Alphonsine avec « Le Petit Rat ».

Coline nous propose un nouveau visuel des votes des lecteurs pour chaque nouvelle :

Avoir 2 gagnantes est une aubaine pour se pencher un peu plus sur les auteurs de nouvelles. Je leur ai donc posé les mêmes questions et vous laisse le plaisir de découvrir leurs différences ou leurs similitudes.

Bonjour, pourriez-vous nous dire depuis combien de temps vous écrivez ?
Quod : D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours écrit pour mon plaisir, depuis l'enfance. Disons que je le fais "sérieusement" depuis 5 ou 6 ans.
Alphonsine : J’ai du mal à compter, j’ai l’impression que ça fait trois ans que je me suis tout juste remise à l’écriture. En fait, j’écrivais beaucoup petite et ado, et j’ai eu un gros blocage de mes 18 à 25 ans environ. Depuis, je redécouvre et réapprends tout petit à petit.

Est-il plus aisé pour vous d'écrire selon un ou plusieurs thème(s) imposé(s) pour booster l'inspiration, ou vient-elle plus facilement sans aucune contrainte à respecter ?
Quod :  J'ai parfois des idées spontanément, mais ces derniers temps, m'inspirer de thèmes imposés a été un coup de pouce salutaire.
Alphonsine : J’ai beaucoup de mal à écrire sans des contraintes extérieures (que je respecte d’ailleurs très mal, pour pousser le paradoxe).

Lors de l’annonce du 52^e concours de nouvelles, quel thème vous a de suite plu ?
Quod : "Légendes". Une thématique qui m'a attirée car elle allie merveilleux et références.
Alphonsine : … Les contraintes superflues, notamment la scène de l’ascenseur. 

Avez-vous traité plusieurs thèmes ? Si oui est-ce que cela est devenu contraignant ou au contraire porteur?
Quod : Non. Une seule contrainte me booste. Plusieurs me bloquent.
Alphonsine : J’ai essentiellement essayé de traiter le thème « Légendes » mâtiné d’un peu d’ « Une information infectieuse » ; le texte que j'ai présenté au concours est le résultat de mon hésitation entre les deux. 

Est-ce le thème imposé qui vous a guidé dans l'écriture de la nouvelle, ou votre imagination a-t-elle repris ses droits pendant la phase d'écriture, au point de devoir la brider ne pas perdre de vue le thème imposé ?
Quod : Je me suis beaucoup lâchée en roue libre, mais mon imagination a suivi le thème, preuve qu'il était fait pour moi.
Alphonsine : Les deux, mon capitaine ! L’idée d’information infectieuse m’a inspiré une métaphore pour symboliser à quel point mon personnage principal est sorti de ce monde-là (il fallait que l’information soit infectieuse pour parvenir jusqu’à elle) ; et celle des « légendes » m’a poussée à explorer l’envers du décor du milieu de la danse classique, idéalisé et essentialisé à la manière des légendes – a fortiori quand les danseurs interprètent des légendes sur scène. En fait, les thèmes ont vraiment été au cœur du processus créateur, mais on les devine peu sur le produit fini. C’était sans doute trop diffus, j’aurais dû mieux expliciter ces points. 

Avez-vous choisi de rajouter une contrainte ?
Quod : Non, je me sers d'un thème comme tremplin, mais j'aime garder une certaine liberté.
Alphonsine : Oui, la scène de l’ascenseur (cf. réponse plus haut). Ca me semblait tellement impossible qu’il me fallait tenter. Difficile de caser la contrainte sur un personnage principal aveugle en parlant de danse, en revanche.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire votre nouvelle ?
Quod : Euh... ? Je ne suis pas sûre. Je dirais deux soirées pour l'écrire et une troisième pour la corriger.
Alphonsine : Je ne sais plus, j’ai bien dû mettre une semaine/une semaine et demie à rédiger cette nouvelle.

Les retours des lecteurs vous aident-ils pour la suite ?
Quod : Oui, certains ont confirmé mes craintes (style inégal, excès de référence biblique) et d'autres ont eu de bonnes idées, comme Alphonsine qui a suggéré une fin alternative.
Alphonsine : Oui. Rarement immédiatement, car je manque de recul sur le texte, mais ensuite, quand je le reprends à tête reposée, je garde toujours en tête les critiques reçues, pour essayer de mieux exprimer ce que je souhaitais.

Les lecteurs ont relevé des points négatifs dans les deux textes et quand on voit le large panel de remarque on se dit que même les « meilleurs » ont encore des faiblesses à traiter. On se dit également qu’un texte peut-être adoré par une personne et moins apprécié par une autre. Pour exemple, les remarques concernaient : baisse de rythme, intensité inégale, manque d’originalité, longueurs, répétitif, style lourd, crainte de trouver des parties misogynes, trop de références bibliques, flash-back qui embrouillent, éloigné du thème, ça tombe dans le convenu, phrases clichées (ou mal placées ou mal entourées) pour avoir tout l’impact qu’elles auraient pu, personnages qui manque d’incarnation, manque de tension/émotion en fin de récit.
Est-ce aisé de lire des commentaires négatifs alors que l’on a gagné le concours ?  Cela vous a-t-il donné des pistes pour la suite ?
Quod : Je n'ai aucun souci avec les commentaires négatifs. Je ne suis pas d'accord avec tous les retours que j'ai eus, mais c'est toujours utile d'avoir des critiques.
Alphonsine : Ce n’est jamais aisé de lire des commentaires négatifs, mais je pense que c’est justement plus facile quand on a pourtant gagné. D'ailleurs, certains de ces commentaires touchent mes principales peurs, sans doute parce que ce sont des critiques qui reviennent souvent : l’idée de quelque chose de « convenu » ou d’un « manque d’incarnation », par exemple. En même temps, c’est que cela tape là où ça fait mal : j’essaie d’écrire à partir du quotidien, du banal, d’écrire les histoires de héros médiocres qui rencontrent l’extraordinaire, mais l’extraordinaire du coin de la rue, pas l'extraordinaire d'un monde merveilleux qui s'ouvre sous leurs pieds. Or, toute la question est de trouver un équilibre : est-ce que c’est trop banal, trop estompé, jusqu'à devenir ennuyeux ou insignifiant, ou est-ce que ça vise juste ? Ce genre de commentaires, s’ils sont durs à recevoir, m’aident à bien placer le curseur. 

Je terminerai avec les remarques positives relevées : bon traitement du thème, un coup de cœur de la session, addictifs, intriguant, prenant, beauté poétique, un texte qui mériterait d’être partagé bien plus loin que ce forum, un style inspiré, personnage et histoire qui m'ont rappelé Borgès, style adéquat et tout à fait transparent, un plaisir à lire, très beau conte, narré par un très beau style qui correspond tout à fait au récit, plaisir à lire ce texte qui réunit toutes les qualités qui me plaisent dans un récit : le style est poétique et pourtant le propos ne perd pas en clarté pour autant. Très réaliste, on dirait du vécu, un style maîtrisé et sage, du rythme dans la narration et beaucoup de sensibilité, prenant, dramatique, une certaine tension et une émotion à fleur de peau, une belle histoire, un domaine peu évoqué dans les romans, conquise par l’histoire, émotions ressenties, saisissant, histoire touchante et bien montée, justesse des propos, texte bien écrit avec des persos bien campés.
Vous attendiez-vous à ce genre de retour ? Êtes-vous en phase avec ça ou si auriez-vous jugé votre texte différemment, plus sévèrement ?
Quod : Pour Borgès, pas du tout, j'ai rougi... Dans l'ensemble, je pense tout simplement que les gens qui m'ont fait des retours positifs ont un peu les mêmes goûts que moi, c'est logique. 
Alphonsine : Je ne m’attendais pas à ce genre de retour, et cela me touche énormément. Déjà parce que certains de ces commentaires montrent que je suis parvenue à exprimer ce que je souhaitais exprimer. Mention spéciale à celui qui trouve que j'ai bien campé le décor roubaisien, de la part de quelqu'un qui y a vécu ! C'est un aspect qui n'apparaît que par touches dans la nouvelle, mais que j'ai travaillé avec soin, donc je suis heureuse que cela ait été remarqué ! J’ai été aussi soulagée de voir que pour des lecteurs qui ne me connaissent pas (ou pas beaucoup), la plongée est immersive, mais pas au point de suspecter une implication personnelle – mes proches relecteurs ayant vu de multiples allusions. Ou alors, ils n’ont pas osé le dire dans les commentaires ! Dans tous les cas, je suis vraiment satisfaite et cela m’encourage à continuer dans cette voie (d’exploration du quotidien, etc.) !

Pour la prochaine session, vous avez proposé une photo et le thème « Un drôle de chapeau » : pourriez-vous expliquer ce choix ?
Quod : Je voulais varier de l'habituel thème écrit et j'ai flashé sur cette photo pour la multitude d'interprétations qu'elle permet (fantastique, psychologique, poétique...).
Alphonsine : Parce qu’il fallait bien un thème impossible parmi les trois !
En fait, je me suis dit qu’à partir d’une idée si resserrée d’apparence, beaucoup d’univers pourraient se dérouler : historique, avec tous les chapeaux à plumes, tricornes, chapeaux melon, etc. que cela impliquait ; contemporain, avec les modes excentriques que cela pouvait suggérer ; futuriste, avec des sortes de chapeaux connectés, des casques bizarroïdes, ou encore fantastique, humoristique grâce à la mention de « drôle ». Par le chapeau, en outre, on touche à l’apparence, à l’image qu’on renvoie ou qu’on perçoit de nous : bref, je me suis dit que le chapeau pourrait être le point de départ de quelque chose d’intéressant. À voir si ce thème sera choisi !

Un grand merci de nous faire partager votre ressenti et travail, et bonne continuation dans l'écriture !

Vous pouvez trouver les nouvelles ici : 

http://jeunesecrivains.superforum.fr/t45635-concours-52-les-nouvelles