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Le  Mag Jeunes Écrivains
19 janvier 2016

FANTASY’S CREED

Inspiré de propos hâtifs et d’écrivains au talent réel, cet article a été conçu par un humble lecteur de confession sceptique et de goût divers.

 

 En France, nous devons notamment à Tzvetan Todorov, la définition admise pour ranger la fantasy dans une case sommaire. Il s’agit de la situer dans un univers secondaire où le surnaturel est d’emblée accepté par son lectorat. En cela, elle se différencie du fantastique qui incorpore du surnaturel dans notre monde connu, où les lois de la raison sont — plus ou moins sobrement — maltraitées. Pourquoi, alors, notre geignard préféré, Harry Potter, se tient-il dans le rayon fantasy ?

 D’une part, c'est un genre pluriel, difficile à réduire à une définition tant les sous-genres contreviennent à l’établissement de principes globaux infaillibles. D’autre part, dans les pays anglophones, le mot « fantasy » renvoie à un cadre plus large qui regroupe une bonne partie des littératures de l’imaginaire : Le fantastique, la fantasy, et le merveilleux !

 Des indignés se sont alors empressés, sous le feu des critiques, d’estampiller sous le sceau de la fantasy les anciens contes, mythes, fables, romans de chevalerie, dont Chrétien de Troyes est un bon exemple. Une tentative d’anoblissement bien vaine… Des études récentes le démontrent, ces textes hérités du temps jadis sont au mieux une source d’inspiration, et non un prestigieux aïeul.

 

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 Ce genre est en fait né d’une réaction au rationalisme des Lumières et à l’empirisme de l’ère victorienne. Ce courant est apparu en Angleterre dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Ses précurseurs les plus notables sont notamment William Morris et Lewis Carroll avec Alice au Pays des Merveilles, puis au début du vingtième siècle Lord Dunsany et James Matthew Barrie avec Peter Pan ou l’enfant qui ne voulait pas grandir en théâtre, et le roman : Peter et Wendy, suivi par le fameux J. R. R. Tolkien avec Bilbo, le hobbit et C. S. Lewis au milieu du siècle.

 Si à ses débuts, le courant s’adresse à un jeune public, il s’avère néanmoins, selon monsieur Jaworski : « Très littéraire et plus complexe qu’il n’y paraît. » Aujourd’hui encore, l’Angleterre jouit d’une production abondante de romans et de nouvelles de qualité, sous l’accueil favorable d’un public réceptif au genre. Cela va sans dire, la fantasy n’y est plus cantonnée au rayon jeunesse.

 

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 Chez nos taquins amis américains, la fantasy va connaître son véritable avènement dans des magazines populaires dont le papier, de qualité suspecte, est fait de pulpe de bois — d’où leur nom de pulps. Le plus célèbre d’entre eux, Weird Tales, publiera nombre d’écrivains vedettes dont je ne citerai que H.P Lovecraft et Robert Edwin Howard, écrivain précoce de quinze ans et créateur de Conan le barbare.

 En quelques mots prudents, monsieur Jaworski qualifie la fantasy américaine de : « [globalement] plus grand public. »

 Un fait étaye sa réserve : La naissance de la big commercial fantasy, un bataillon de romans assez médiocres qui a jeté le discrédit sur l’ensemble du genre. Quel est le déclencheur de ce désastre ? Le succès de Tolkien aux États-Unis. Dans Méditation sur la Terre du milieu, Jacques Baudou a déniché ce témoignage très éclairant :

 « Je suppose qu’il doit être difficile, pour des lecteurs qui ont grandi à une époque où "Bilbo le hobbit" et "Le seigneur des anneaux" étaient reconnus comme des classiques, de comprendre l’impact stupéfiant qu’ils ont eu sur des lecteurs comme moi. Je n’avais tout simplement rien lu de pareil… Le commentaire le plus fréquent que j’aie entendu chez les lecteurs de ma génération, c’est celui d’avoir immédiatement essayé de trouver d’autres livres "comme celui-là. " Certains se sont même aussitôt assis pour essayer d’écrire des livres " comme celui-là " dans l’espoir d’apaiser leur propre appétit. […] »

 Pour synthétiser, des émerveillés ont bavé des copies de la Terre du milieu sans comprendre l’ampleur du travail effectué en amont et les jeux érudits de monsieur Tolkien. On pouvait bien sûr compter sur la complicité du monde de l’édition pour répondre à la forte demande. Cela étant, décider de la priorité entre l’art et le « nourrir ses enfants » n’est pas le propos de cet article.

 Désormais qu’on a débroussaillé le sujet, cet article va prendre une tournure sentimentaliste chauvine pour s’acheminer vers sa conclusion.

 

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En France, pour garder un fil rouge que chacun connaît, Le seigneur des anneaux a été traduit en 1972. C’est-à-dire vingt années après sa sortie en Angleterre (1954-1955) C’est à cette période que les traductions de fantasy anglo-américaine pénètrent un marché français à la tradition littéraire orgueilleuse. Ce n’est pas un hasard si Fleuve Noir publie vers 1990 un des premiers romans français de fantasy de Hugues Douriaux, et dans la foulée un cycle parodique de Pierre Pelot intitulé Konnar et compagnie (dont Gilbert le barbant, Ultimes aventures en territoires fourbes, et autres titres joyeux)

 Outre les débuts de la fantasy dans la jeunesse, l’accident américain, on peut expliquer l’appellation « Ados attardés » par la naissance singulière d’une école de fantasy française.

 Elle naît en 1995 de la fraternité entre littérature et jeu-vidéo. Stéphane Marsan et Frédéric Weil fondent la maison d’édition Mnémos, avec le but originel de créer une fantasy inspirée des jeux de rôle. Et ses jeunes auteurs, eux aussi, venaient pour la plupart du jeu-vidéo ou en étaient pour le moins des joueurs friands.

 De grâce, débarrassez-vous de votre légitime scepticisme, car la fantasy française, même à ses balbutiements, se revêt d’originalité et de beauté.

 Matthieu Gaborit s’est imposé comme le chef de file incontesté de cette époque. Avec les Chroniques des Crépusculaires, il signe un roman de qualité, aux accents gothiques, regorgeant d’élégances et de trouvailles. Il réitère son exploit avec Abyme (uniquement le tome 1) la ville baroque aux mille excentricités servies par un style poétique. En passant, vous ne serez pas étonné d’y suivre les aventures d’un charmant et un peu prétentieux Maspalio.

 La flamme littéraire de cet auteur, hélas, a brûlé fort et s’est éteinte bien vite. Je ne vous recommande donc que ces deux ouvrages.

 Moins cher à mon cœur, il faudrait citer Pierre Pevel pour son rayonnement international, avec les Ombres de Wielstadt, Les Lames du Cardinal, ou Le Haut-Royaume.

 Et on revient en force avec môsieur Jaworski. Je ne vous parlerai pas de Dieu vivant (trop hystérique) ou des doutes sur mon hétérosexualité (ça pourrait gêner.) Sachez seulement que son premier roman Gagner la guerre est un monument, très littéraire, presque pédant, quoi qu’argotique, et sa quadrilogie (tripartite, oui, aucun souci) Rois du monde, un roman d’ambiance poétique, qui s’éloigne du crédo du divertissement, mais non moins estimé.

 Signalons pour clore le chapitre de la fantasy française et ses ambitions, que la maison d’édition Moutons électriques a l’honorable vocation de promouvoir une littérature populaire de haute qualité dans un pays dominé par une presse généraliste peu réceptive.

 

Après moult péripéties, la fantasy connaît donc toujours un succès commercial, véhiculé avec la complicité du cinéma, grâce des best-sellers comme Le seigneur des anneaux, Harry Potter et Le trône de Fer. Certes, c’est un genre littéraire taillé pour le divertissement et elle suscite des vocations plus ou moins inspirées. Cela dit, cette même ambition lui confère une identité propre, qui séduit les lecteurs moroses que la littérature blanche ne satisfait pas toujours. Quant à sa qualité, je vous renvoie aux paroles du maître : « Ne nous laissons pas leurrer par la forêt de la Big Commercial Fantasy ; au milieu du taillis mercantile se trouvent de beaux arbres, et le vent qui souffle dans leur feuillage possède les vrais accents de la littérature. »

 

Maspalio.

 

 

 

 

 

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Commentaires
M
Merci à vous.<br /> <br /> Divers articles sont disponibles sur Google au format pdf. Le mieux si tu veux creuser le sujet est d'emprunter des ouvrages à la bibliothèque. J'ai utilisé les deux. Pour tout dire, je ne me suis pas attardé en vérification dans la mesure où les auteurs sont unanimes. Le sujet était vaste, pas mal de choses sont passés à la trappe, comme une définition précise de la Fantasy. J'ai fait des choix. :)
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T
Un fort bel et intéressant article !<br /> <br /> J'entends pas mal parler de Jaworski dans les contre-allées fantaisies du forum, et impossible de ne pas remarquer les couvertures des Mouton Electriques dans le rayon Sf/fantasy en librairie. Tout ça donne envie.<br /> <br /> <br /> <br /> Juste : "Des études récentes le démontrent, ces textes hérités du temps jadis sont au mieux une source d’inspiration, et non un prestigieux aïeul."<br /> <br /> J'aurais bien aimé un lien vers l'une de ces études.
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J
Grand merci pour cet article Maspalio. Je vais pouvoir y trouver mon bonheur. Je me rends compte que je connais peu toutes ces œuvres. Enfin je connais la Trilogie de Wielstadt par exemple, mais tu me donnes là d'autres pistes à suivre. Je vais m’enquérir de ces "Chroniques des Crépusculaires".
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