Séléné.C, gagnante du 2e concours d'illustration

19 mars 2016

Séléné.C, gagnante du 2e concours d'illustration

Séléné.C a gagné le 2e concours d’illustrations des coups de cœur JE, en proposant un dessin monochrome pour Maspalio et son roman «Arnault ».

Vous la connaissez peut-être pour ses participations au Mag, et pour les membres du forum Jeunes Ecrivains, pour les récits qu’elle y a postés (Contes & nouvelles, Errances Galactiques, Like A Disco Ball, Le salaud dans le miroir), mais elle se consacre aussi à la passion du dessin.

(Encrage spontané. Type zen, pinceau et encre de Chine)

Séléné.C, tu es dessinatrice de métier, quand as-tu commencé à jouer du crayon ?
Comme tous les enfants : toute petite. Très longtemps par loisir. Mes études n'ont pas porté sur les Arts Plastiques mais sur l'Histoire. En 2007, j'ai créé mon site internet et me suis inscrite à la Chambre de Commerce comme « Artiste » en 2007. Le site expliquait, en ce temps-là, que j'étais tombée dans le dessin comme Obélix dans la potion magique.
Longtemps avant de raconter des histoires à mon clavier, je les racontais à mes crayons de couleur. C'est mon père qui a le premier fait la remarque que je devrais les mettre par écrit.
Entre 2003 et 2006, période où je faisais de l'animation et avais une vie associative assez forte, il y a eu une modification de mon rapport à ma création : je l'ai montrée plus facilement.
Concernant l'aspect « métier », le mot est hélas un peu grinçant, car un numéro à la CCI ne fait pas un chiffre d'affaires. Si ma santé ne me compliquait pas tant la recherche d'emploi, je n'en ferais qu'un simple loisir.

(Dessin au rotring, avec plusieurs épaisseurs de pointe différentes.
Les silhouettes de chat à l'arrière sont inspirées des "nekos" japonais)

Pour raisons médicales, tu travailles tout à la main, sans passer par l’ordinateur. Est-ce aisé de sortir du lot ? Ce côté artisanal est-il recherché ?
Je passe par l'ordinateur... mais pas autant qu'il est professionnellement tendance de le faire de nos jours. Après gommage, le dessin subit encore un nettoyage informatique. S'il est destiné à la couleur, il est alors imprimé sur papier dessin, avant une nouvelle phase à la main.
Il m'arrive aussi, bien sûr, de faire des montages de texte, ou de redimensionner une image. Cela peut sembler minime, mais quand il s'agit de gérer mon site ou de mettre au point un document de présentation, cela fait une certaine masse de travail.
Concernant le dessin DAO (c'est le sens de la question) : non, je n'en fais pas, et non, ce n'est pas recherché. J'ai tenté plusieurs fois de dompter l'infographie, mais chaque fois c'est elle qui gagne.
Sortir du lot... non, pas facile. Mais je n'ai peut-être pas la bonne méthode, ou le bon style.
Les métiers artistiques (pas seulement l'illustration) ne consistent pas seulement à faire de l'Art. Il faut aussi, si j'ose dire, gagner son lard, c'est-à-dire mettre le produit sur l'étalage et le vendre. Je n'ai malheureusement pas la fibre très commerçante.

(Dessin au trait en noir et blanc, de type très complexe. Rotring. La couleur est changée
par ordinateur, ce qui lui donne une allure de pointe sanguine sur papier jaune)

Combien de temps te faut-il pour réaliser un dessin au trait, un encrage sans esquisse, des dessins colorisés, une enluminure, une planche BD, une aquarelle, un dessin à l’encre de Chine, etc. ?

Quel que soit le type de dessin, il faut distinguer la phase de préparation et celle de réalisation.
Il faut aussi tenir compte du fait que travailler non-stop représente une grande tension. Je souffre en permanence de tendinite dans le poignet et périodiquement dans les doigts, et il m'est même arrivé d'en avoir (on ne rigole pas) dans les yeux. Donc, au crayon comme en voiture, la pause s'impose.

Un encrage sans esquisse (à l'encre de Chine ou autre pigment)
Technique « zen ». La préparation consiste simplement en quelques minutes de méditation, mais elle est primordiale. Si je n'y parviens pas, l'encrage peut être raté plusieurs fois de suite. Si la préparation est bonne, il se fera en quelques instants.

Un dessin au trait en style simplifié
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas facile de faire simple. Il faut aller à l'essentiel.
Une journée en allant vite, deux ou trois si je prends mon temps. À ce détail près que mon style « simplifié » est plutôt prévu en couleurs (sauf quand c'est pour faire une image à colorier). Celui pour Fxt-Art (un style encore plus simplifié que mon habitude) a été réalisé en moins de 15 jours, comprenant discussions par mail avec l'auteur du texte et ajustements.

Un dessin au trait détaillé
Inspiré de mon goût pour les gravures d'autrefois...
Très variable en temps et difficulté selon niveau de détails et type de remplissage. Il faudrait que j'arrive à subdiviser cette catégorie. En tous cas, impossible à travailler non-stop.
Estimation basée sur mes dernières productions : deux semaines en prenant tout mon temps, pour dessin aux détails complexes, mais relativement clairs de remplissage. J'aurais pu faire ça en la moitié. Celui que j'ai actuellement sur la planche est plus simple, mais plus sombre. Il se rallonge, du coup.

Le dessin au crayon de papier (crayonné)
Ce que j'ai employé pour le dessin de Maspalio.
J'en faisais beaucoup quand j'avais vingt ans, puis j'ai arrêté. De temps en temps, je m'y remets très ponctuellement, mais... en fait, je crois qu'il faudrait que j'achète des crayons adaptés. Le HB n'est pas ce qu'il y a de mieux pour ça. > À classer dans les étagères de mon laboratoire !

Le croquis sur le vif
À distinguer du crayonné ci-dessus... Comme son nom l'indique, sur le vif. Beaucoup de mes crobards sont effectués dans la pénombre d'une salle de spectacle. D'autres debout dans la foule d'un festival ou d'une foire. > À ranger dans la salle d'entraînement, à côté des chaussures de marche et du sabre.

Les images en style enluminé
Inspirées de mon goût pour le Moyen-Age.
Elles sont assez longues à mettre au point, du fait des aspects schématiques et symboliques, mais c'est plutôt la colorisation qui est compliquée, et je n'ai pas encore réussi à bien résoudre cette question. C'est très fin, très minutieux... À la main, cela prend beaucoup de temps. En fait, il faudrait une infographie, pour que je puisse proposer cette prestation sans que les délais semblent effarants. Ou alors, que je mue en wonderwoman du pinceau.

La BD, c'est un domaine que j'ai un peu mis de côté, mais je mettais très longtemps, car mes planches étaient très détaillées.

L'aquarelle, je l'emploie pour coloriser mes dessins, mais je ne fais pas vraiment de « dessins aquarelle » c'est-à-dire sans lignage encre.

(Encrage spontané, mais avec du café au lieu d'encre de Chine.
Même technique que pour la dame, mais avec un pinceau neuf)

Tu es accro à la mythologie, est-ce dans ce genre de récit que tu trouves ton inspiration ?
Parfois, oui... Pas toujours. Au sens très large, la mythologie est partout, donc, peut-être.
Plus simplement : j'ai des goûts variés, et de plus j'aime explorer, peut-être parce que je suis fille d'enseignants et qu'ils m'ont donné le goût d'apprendre en permanence.
J'aime les défis, aussi. Ce qui ouvre facilement des horizons nouveaux (selon circonstances).

(Dessin au stylo plume sur papier 80 g puis imprimé sur papier 125 g
et colorisé avec deux aquarelles (van dyck et terre de sienne))

Tu es une touche à tout et aimes t’essayer à ce que tu ne connais pas. Est-ce pour cela que tu colorises tes dessins aux pigments naturels (café, thé, etc) ?
Oui. Et aussi parce que j'aime le double aspect « nature » et « bricolage ».
C'est très sympa de connaître exactement la nature de ce qu'on dépose sur la feuille... Même si toutes les expériences ne sont pas dociles sur le pinceau.
J'emploie beaucoup le café soluble. Pour une grande facilité d'usage, il offre un résultat très agréable. Son seul inconvénient est l'odeur, qui peut donner mal à la tête. À ceux qui voudraient essayer, je conseille le décaféiné.
À ma « période médiévale » j'ai essayé divers pigments, en fixant avec de l'oeuf (comme au Moyen-Âge). Plus récemment, j'ai employé du jus de raisin et de la craie liée avec du sucre.

(Trait au rotring sur papier 100g. Enluminure : posture hiératiques,
disposition des éléments simplifiée sur la page. Colorisation aquarelle)

Quels conseils donnerais-tu aux débutants qui voudraient se lancer dans le dessin ?
En quelques mots, c'est difficile. Le dessin passe par deux étapes. Un apprentissage rationnel, où il ne faut pas hésiter à dessiner des « bonshommes O'Cedar » (mannequin anatomique) et des perspectives détaillées, et un apprentissage de l'instinct, où il faut désapprendre à raisonner la mise en place de l'esquisse. Aucun des deux aspects ne doit être négligé. Le tout est de réussir à les marier.
En ce qui concerne le passage au monde professionnel : il y a beaucoup de bons conseils, pour toutes sortes de choses, sur le site Kob-One.
Peut-être aussi que je peux conseiller d'éviter le statut « auto-entrepreneur », où beaucoup de créatifs s'engouffrent, depuis qu'il existe, du seul fait qu'ils ignorent l'existence du statut « artiste » (plus intéressant quand les revenus sont faibles). Et de leur souhaiter bon courage, bien sûr.

Tu as déjà réalisé des couvertures pour des JE, est-ce aisé de s’immerger dans un récit pour ressortir un dessin représentatif à leurs attentes ? Si une histoire ne te parle pas, refuses-tu une commande ?
Trois illustrations, précisément. Une pièce de théâtre pour Fxt.Art. Celle de ton roman (en cours de colorisation) et le dessin de Maspalio (pour le concours). Dans l'univers JE, on peut ajouter les vignettes du blog.
La difficulté peut être tout simplement de concilier le flot d'inspiration et les envies de l'auteur. On peut avoir dix idées et qu'aucune ne convienne. Il vaut mieux, alors, que le commanditaire sache exprimer dès le départ une idée précise. Cela permet de cerner plus vite le travail à effectuer.
Si un thème ne m'inspire pas, il ne sera pas raisonnable de l'accepter. Je ne saurai pas le traiter (l'inspiration est capricieuse).
Un thème qui m'inspire à demi, c'est « à voir ». Je peux arriver à me mettre en phase, ou bien pas.
Ceci étant, il faut distinguer le cas des « commandes » et celui des « appels à création » ou autres thèmes simplement intéressants à traiter. Refuser une commande, quand on en a peu, aurait quelque chose de fâcheux, mais le cas ne n'est encore jamais présenté.

(Dessiné en format A3 au stylo plume, puis porté chez l'imprimeur
pour imprimer sur papier dessin en format A4, et colorisé aquarelle)

Sur quelles créations travailles-tu actuellement ?
Mis à part les projets perso destinés à m'entraîner et enrichir book, blog et site, je travaille à une série d'illustrations pour un livre enfantin.

Merci d'avoir partagé ce moment avec nous et bonne continuation !

Ses créations sur le forum JE : http://jeunesecrivains.superforum.fr/t40332-realisations-de-la-gribouilleuse-selenite
Son site : http://www.signe-selene.net/
Son blog-atelier : http://selenec.canalblog.com/