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Le  Mag Jeunes Écrivains
5 décembre 2015

Faut-il consulter Faunus un jour de neige ?

Brume, froid, neige même pour déjà quelques un...

L'hiver arrive.

Faunus-Lupercus

Aujourd'hui, 5 décembre, c'est la fête de Faunus. Ou du moins, cela le serait si nous étions encore dans l'Antiquité Romaine. Et cette fête a fait suite à celle de Fatua, son épouse, qui occupait le 3 et le 4.

Faunus peut sembler un dieu de moindre importance. On le connaît comme une petite créature farceuse et campagnarde, mi-homme mi bouc... Comparé aux dieux olympiens, il manque pour le moins d'envergure. Pourtant, si on se réfère à l'Enéide, il est primordial.

Et je pèse mes mots !

Virgile nous dit que Faunus est fils de Picus, lui-même fils de Saturne. Quand Enée (prince troyen) et ses compagnons débarquent en Italie, ils sont reçus par le roi Latinus, fils de Faunus.

Ovide parle de Janus, et non de Saturne (voir ici). L'un et l'autre étant des dieux liés au Temps et désignés par la généalogie des légendes comme des "Pères".

Si on écoute le conteur en rêvassant, on peut se dire qu'Enée (lui-même de nature demi-divine, hé? pas le premier fugitif venu...) a loupé Faunus de peu. En tous cas, que Faunus n'était alors pas un petit dieu qui se contente de gambader dans la campagne.  De fait, Faunus, malgré ses allures de jumeau italien du dieu Pan, remonte aux temps étrusques.

Quel lien, me direz-vous, avec l'hiver qui arrive ?

Faunus

Faunus (tout comme son sosie grec) est tout à la fois une divinité de la nature et une divinité oraculaire. Ce n'est pas cet aspect de lui qui nous est resté le plus en mémoire, mais Virgile est très clair et décrit parfaitement la façon dont on consulte le dieu : en étendant une peau de bête sur le sol de la forêt et en s'étendant pour écouter les bruits.

Accessoirement, ce dieu porte l'épithète de "Lupercus". On a longtemps pensé que c'était parce qu'il éloigne les loups... Ce n'est peut-être pas si simple. Le loup étant d'une part chargé depuis très longtemps d'une double symbolique de fertilté et de mort, d'autre part employé en transformation part des dieux qui n'ont rien de mineurs.

La mythologie regorge de divinités ambivalentes...

Point de détail non négligeable : Fatua, épouse de Faunus, est la déesse de la Destinée. Elle est aussi, sous le nom « Bona Dea », une déesse-mère.

Tout cela ne fait toujours pas un lien avec l'hiver... Patience, patience, étendez-vous sur votre moquette imitation fourrure et attendez. Le dieu blogus va transmettre son message.

A la sortie de l'hiver, ce même dieu sera à nouveau fêté. Ce sera la fête lustrale et propitiatoire des Lupercales. On y fera appel à l'autre aspect de Faunus, celui qui est le plus connu, son rôle fertilisateur. Mais maintenant ? Pourquoi ce petit dieu à pattes de bouc et généalogie néanmoins glorieuse se paye-t-il le luxe d'une fête de trois jours ?

Oui, bon, il n'a qu'une journée à lui, mais avec sa femme, dont chaque fonction est intimement liée à une des siennes, ça fait trois.*

Un détail en passant : nous entrons dans une période où les fêtes religieuses romaines sont très nombreuses. Le mois de décembre en fourmille. Celle des ancêtres, celle du soleil, celle de la déesse de la renommée... Heureusement que ces jours n'étaient pas fériés au sens où nous l'entendons, car dans la puissante Rome tout aurait cessé de fonctionner pendant un mois.

Notons tout de même, avant de continuer, la persistance de l'aspect animal dans les deux aspects de Faunus : pour consulter son oracle, on emploie une peau de bête comme tapis, pour s'attirer sa bienveillance fertilisante, on emploie des lanières de peau encore sanguinolante.

Un peu primitif, si on compare aux dieux olympiens, mais pouvez-vous me prouver que les dieux d'allure rustaude sont moins puissants que ceux qui ont un comportement raffiné ?

Toujours à Rome, mais dans l'iconographie, on trouve un autre dieu. Est-ce le même ? Est-ce un avatar mythologique plus tardif ? Est-ce un cousin ancien remontant lui aussi aux premiers temps de la ville ? Celui-là se nomme Silvanus.

Sucellus

Jupiter Silvanus.

Qui a dit que les dieux olympiens ne s'usaient pas les mains à cultiver la terre ?

Oui... Jupiter. Rien que ça.

Quand on le regarde, on a pourtant un doute. Souvent nu, mais ça c'est presque normal pour un dieu antique. Armé d'une massue. Accompagné d'un chien. Appuyé sur un arbre. Il ressemble assez peu au céleste souverain des dieux qui commande à la foudre et emploie un aigle comme messager.

Pourtant, si on va faire un petit tour en Gaule Romaine, on lui trouve des « cousins », qui subitement, semblent beaucoup plus majestueux. Il faut dire qu'ils ont un marteau à la place de la massue, et s'y appuient comme Jupiter sur son sceptre. Ce « dieu au maillet », on le retrouve sous différents noms dans les textes celtes. Tous ses avatars n'ont pas tout à fait les mêmes attributs mais ce maillet est doté d'une particularité qui mérite d'être mentionnée. D'un côté, il ôte la vie. De l'autre, il la donne.

Puisque nous sommes en Gaule, jetons un œil sur le dieu qui règne sur la saison hivernale...

Nul autre que le sylvestre, inquiétant, magique, et néanmoins fertilisant Cernunnos.

Sylvestre car il demeure dans la forêt.

Inquiétant, car il est maître de l'Au-Delà.

Magique, car il domine tout ce qu'on ne peut pas voir.

Fertilisant car c'est durant sa saison que la vie, sous terre, se prépare.

Malgré leurs différences, le dieu-cerf de Gaule et le dieu-bouc de Rome montrent quelques similarités. Hasard ? Sans doute pas, car ce sont tous deux des divinités de peuples indo-européens. Approfondir le comparatif est pourtant délicat, car l'un et l'autre sont mal connus.

[concernant Cernunnos, je conseille aux amateurs de pavés
« Cernunnos, le dioscure sauvage »]

Tandis qu'à Rome, on fête Faunus, petit dieu des origines de la grande cité, le puissant Cernunnos étend son emprise sur la forêt privée de feuilles.

L'hiver arrive.

Puis s'en ira.

Puis reviendra.

Et ainsi de suite.

Autrefois, selon les régions c'étaient Saint Nicolas, l'Enfant Jesus ou les Rois Mages qui amenaient les cadeaux aux enfants.

Saint Nicolas, fêté le 6 décembre est patron des enfants, des jeunes gens et des écoliers.

saint-nicolas2

Dans ma ville (et dans d'autres), au XIV° et au XV°, c'était le 6 décembre qu'on engageait des musiciens pour animer les rues et leur distribuait des étoffes « aux couleurs de la ville ».

La couleur de la commune étant le rouge, nos échevins étaient en avance sur la mode lancée par Coca-Cola de vêtir Santa Klaus de cette couleur...

Est-ce un hasard, si la fête de Faunus, qui constituait le début des « fêtes de fin d'année » dans le calendrier antique, tombe à la même date que celle de Saint Nicolas, qui avec son âne apportait les cadeaux jusqu'à ce que son avatar « Santa Cola » vienne conquérir le marché ?

Saint Nicolas, qui n'est pas dénué d'une petite ambivalence. Chacun sait bien que, contrairement à son copain du 25 décembre, il est suivi d'un "double négatif". Et le chiffre 3 vient rythmer consciencieusement toutes les versions et épisodes de sa légende.

L'hiver arrive...

L'épuisante période des courses de fin d'année, et celle trépidante des fêtes vont dévorer ce mois aux jours déjà bien trop courts.

Que Faunus soit avec vous, pour deviner la meilleure façon de plaire à vos proches et traverser la saison froide en bonne santé.

Comment ? Vous n'êtes pas sûrs que ce soit dans ses attributions ? Vous vous demandez s'il a une adresse e-mail pour les réclamations ? Hé, dites ! C'est pas le Père Noël !

 

Klik-Selene-C

Pour ceux qui ont des enfants (ou qui ont envie de le faire eux-même), un coloriage de Cernunnos est disponible ICI. (navrée, y'a pas Faunus)

Pour ceux qui veulent faire marcher le calendrier à rebours ou rester en ambiance légendes sans quitter le blog : article sur le Samain ICI.

 

 * Asyne aurait voulu savoir pourquoi l'épouse de Faunus avait l'honneur de deux jours et lui d'un seul... Je n'en ai aucune idée. Aux temps très anciens de l'époque archaïque, peut-être n'avaient-ils pas pris la peine de partager.

 

Spoiler:

Désolée si ceci paraît embrouillé... Il n'est pas évident de tirer les fils des légendes pour les comparer.

Quant au titre de l'article... hé bien, relisez ! Et demandez-vous si un jour de neige,vous auriez envie de vous livrer au rituel prescrit. Oui, le titre, c'est pour rigoler. J'aurais pu choisir "Réflexion mythologique sur Faunus et Nicolas, personnages à résonance double".

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Commentaires
M
Très intéressant Séléné. <br /> <br /> Je me permets une anecdote. Les romains collectionnaient les dieux. Ils en avaient tellement que leurs compétences se chevauchaient et que c'est un casse tête pour théologien. Pour une raison bien dominatrice. Après avoir brisé un peuple, ils s'accaparaient les dieux de l'ennemi vaincu et les honoraient pour en tirer moult faveurs.<br /> <br /> Pour une lecture fantasy de haute qualité stylistique en territoire celte, je vous recommande Rois du Monde de J-P Jaworski. Achetez français ! :D
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M
Je voudrais juste faire remarquer que, de mes maigres connaissances, l'existence en tant que dieu à culte de Cernunnos serait très controversée, et relèverait plutôt du fantasme d’interprétation - unification. Apparemment, déjà, on a aucune source écrite de ce Dieu, en dehors de son nom, qui ne signifie que "Le Cornu" et pourrait très bien être le titre d'un dieu mineur... ou régional... etc... Sachant que la Gaule était loin d'être unifiée et que, si différentes divinités, en des lieux et temps différents, ont pu avoir des attributs similaires, il y a un grand pas à faire avant de leur assigner une unité personnelle. Bref: ce sont les premières conclusions auxquelles on arrive en faisant des recherches sur internet, et s'il y a des contre-arguments... je voudrais bien les connaître :)
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