Le censeur, de Clélia Anfray
Brifaut, un dramaturge à la mode, se rêvant Racine après un grand succès au théâtre, se voit confier par Charles X la censure des pièces à paraître. Devenu homme du système, il perd ainsi de sa notoriété jusqu'à être honni.
Dans ce roman historique, Clélia Anfray, dont j'avais déjà apprécié Le coursier de Valenciennes revient à sa passion, à son métier, les romanciers du XIXe siècle. Un style très dix-neuvième et pourtant fort alerte rend justice à la littérature ; ce bijou semble anachronique, sorti d'une capsule temporelle qui aurait traversé l'époque des proses hachées où la poétique se résume à faire des phrases brèves, sans sens, qualifiées de poétiques parce que l'on n'y comprend rien — même l'auteur n'est pas sûr d'y comprendre quelque chose. Clélia Anfray nous plonge dans un roman aux accents à la foisclassique et baroque avec cette touche de fantastique dans les hallucinations (?) de son protagoniste.
La déchéance de Brifaut est un sujet brûlant et qui hante tout écrivain ayant de l'amour-propre : vais-je durer ? Est-ce qu'un succès présent est la garantie d'une pérennité ? Les camions de papiers déversés dans les supermarchés chaque semaine comprenant leur lot d'ex-futur-classiques n'ont qu'à bien se tenir, car si l'ouvrage de Mme Anfray aura la destinée qu'il mérite, gageons qu'au moins, l'auteur ne rougira pas de son œuvre. Vous ne trouverez probablement pas ce roman chez Auchan entre les saucisses et la bière bien qu'il soit publié chez un grand éditeur, Gallimard (collection Blanche).
Un roman prenant, qui se lit d'un trait, un roman historique, fantastique, qui se termine avec le sourire aux lèvres de cette satisfaction d'avoir entre les mains une réussite. Rares sont les ouvrages comme ce Censeur.
Prat